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Pas de production nationale sans protection du marché local

Posted by admin On May - 1 - 2017 Comments Off on Pas de production nationale sans protection du marché local

ProductionLe Président Jovenel Moïse va par monts et par vaux pour encourager la production nationale. Et en même temps la création d’emplois.

Avec une préférence pour la production agricole. Le nouveau chef de l’Etat a d’abord été patron d’une entreprise agricole, Agritrans, spécialisée dans la production et l’exportation de bananes.

Le 1er mai prochain, le président lancera une opération dite la caravane du changement dans le plus grand grenier du pays, du moins symboliquement : la Vallée de l’Artibonite, qui à elle seule produisait jusque dans les années 1980 suffisamment de riz pour nourrir une population de 10 millions.

Tantôt c’est dans une usine de transformation de produits locaux : tomates, mangues, cacao, fruits de mer etc.

Mais il ne faut pas confondre. D’un côté il s’agit de la production agricole paysanne.

De l’autre d’industrialisation même à base de produits de l’agriculture locale.

Pourquoi disons-nous qu’il ne faut pas confondre ?

Parce que ce n’est pas la première expérience du genre. Et cela n’a point marché. Ni d’un côté ni de l’autre.

Des poulaillers sur les toits …

Dans les années 2006-2011, pendant le second mandat du président René Préval, un important effort de lancement de la petite production locale, a eu lieu.

Des coopératives de transformation fleurissant dans tous les départements, produisant selon l’endroit du beurre de cacahuète (mambas), du ‘rapadou’ (sucre local), de la cassave (pain artisanal), bien présentés et marketing à l’appui …

C’est le moment aussi où, après le choc des fameuses ‘émeutes de la faim’, le gouvernement s’est lancé dans un grand effort pour réduire aussi les importations de produits de consommation de base, comme les œufs et la volaille. On se souvient alors que des poulaillers se mirent à apparaître jusque sur les toits et même en plein bidonville de Cité Soleil, à Port-au-Prince.

Mais le mouvement finit par craquer devant les importations massives de la République dominicaine voisine, qui bénéficie dans le pays de toutes sortes de complicités, aussi bien dans le haut que le petit commerce, outre le pouvoir.

Le dilemme de la taxation douanière ! …

Comment le Président Moïse espère-t-il réaliser son rêve d’améliorer le sort de l’agriculteur et du petit paysan si la taxation douanière entre nous et nos voisins reste aussi profitable à ces derniers, leur permettant d’exporter chez nous pour près de 3 milliards de dollars l’an tandis que nous leur vendons pour à peine quelques millions ?

Et encore pour une bonne part des ‘pèpè’, c’est-à-dire des hardes importées des Etats-Unis sous couvert d’assistance humanitaire, et donc point profitables à la production nationale.

Le ‘Haitian Bleu’ ? …

D’ailleurs quel exemple plus significatif que le café ‘Haitian Bleu’ ?

Autre initiative du président Préval, premier mandat (1996-2001), ce fut le dernier miracle haïtien sur le plan de la production nationale. Réalisé dans une coopération entre des experts latino-américains (famille des cafés arabicas) et les paysans des régions caféières dites ‘natives’ du pays (Baumont-Grde Anse, Cap Rouge-Sud Est, Marmelade-Artibonite etc).

Accueilli chaleureusement sur le marché international (Etats-Unis, Japon etc), où il est vendu 2 à 3 dollars la livre, cependant le succès du Haitian Bleu ne durera pas longtemps, saboté par les exportateurs locaux qui se jetteront dessus sans ménagement pour finir par détruire sa qualité unique qui en faisait tout le prix.

Et il en fut du Haitian Bleu comme autrefois du vétiver, qui a été l’or vert pour les paysans du Sud entre autres. L’avidité des exportateurs, mais qui se soucient du produit qu’ils exportent comme d’une guigne.

Ainsi finirent les efforts comme ceux que le Président Moïse espère mener aujourd’hui pour aider le petit agriculteur local à sortir de la misère noire qui est aujourd’hui son lot.

Les accords de l’OMC …

Mais il y a aussi l’autre face du problème : l’encouragement aux entreprises de transformation locales.

Cela non plus n’a pas fonctionné. Toujours victime du même régime exportations-importations, celui-ci renforcé par les accords signés en 1994 avec les institutions internationales (en l’occurrence l’OMC – organisation mondiale du commerce) qui réduisent pratiquement à zéro en Haïti la barrière fiscale ou taxe à l’importation, tandis que cette débauche de produits de première nécessité envahissant notre marché, sonne le glas de la production locale …

Mais les entreprises en question finirent par subir elles aussi le même sort. Et pour les mêmes raisons. Savonneries, fabricants de médicaments, etc on les a vu toutes forcées soit de fermer boutique, soit devenir des succursales pour des entreprises dominicaines ou autres.

Protection indispensable de la production nationale …

Mais remontons encore plus en arrière. Ce n’était pas encore les lois de l’OMC, on est encore sous Baby Doc, dans les années 1970. Un gros élan, largement appuyé par l’aide américaine (USAID), lors satisfaite de la progression dans le pays de l’industrie d’assemblage (Haïti élue numéro 1 pour la fabrication des balles de baseball), sur ce des entreprises nouvelles sont créées à l’époque pour la production de la pate de tomate en boite frigorifiée, destinée au marché local et extérieur.

Objectif comme aujourd’hui : augmenter le nombre d’emplois et encourager la production agricole nationale.

Des infrastructures importantes sont créées ou restaurées à l’occasion, comme des canaux d’irrigation dans les plaines destinées à cette fin.

Toute la paysannerie s’emballe. Mais au plan de la concurrence, la république voisine finit encore une fois par l’emporter.

Les entrepreneurs locaux trouvèrent plus facile pour eux d’importer la pate de tomate de la République dominicaine que de la cultiver (la tomate) dans notre pays.

Cela veut dire que tant que nos dirigeants ne feront pas comme font nos voisins depuis plusieurs décennies – la protection de la production nationale, et principalement par la voie de la taxation douanière, tous les efforts, comme ceux que tente apparemment en ce moment le Président Jovenel Moïse, passeront comme on dit à côté de la plaque !

Haïti en Marche, 21 Avril 2017

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