Alors qu’Haïti entre en campagne électorale, qu’un nouveau président doit être élu au plus tard le 27 décembre de cette année, la Banque mondiale a sorti un rapport, rendu public mardi, qui nous met à notre place. Celui de pays pauvre, très pauvre, qui, depuis 40 ans, devient plus pauvre.
Le rapport de l’organisation internationale souligne qu’entre 1971 et 2013, le PIB par habitant a reculé de 0,7% par an en moyenne dans le pays, informe une dépêche de l’Agence France Presse disponible pour la presse du monde entier.
Pour 2015, le taux de croissance, qui devait d’abord atteindre 2,5% du PIB, ne sera finalement que de 1,7% selon les prévisions de la Banque mondiale. Loin des prévisions du début de l’exercice et de nos besoins.
Selon l’AFP, la Banque mondiale regrette la «croissance économique décevante» d’Haïti au cours des quatre dernières décennies et appelle à l’instauration d’un contrat social entre l’État et les citoyens pour aider les plus pauvres.
Alors que le budget national est financé à plus de 60% par l’aide étrangère, Haïti «a besoin d’une fiscalité plus élevée mais l’État doit gérer cet argent de manière efficace et transparente», a indiqué Mary Barton-Dock, envoyée spéciale de la Banque mondiale, lors de la présentation du rapport.
« L’État doit gérer cet argent de manière efficace et transparente », cette petite phrase à elle seule est une condamnation à l’enfer des organisations internationales et de tout investisseur honnête. Faut-il rappeler que ce n’est pas la première fois que Mary Barton-Dock fait des gammes sur le même thème.
À ceux qui pensent que la mise en place d’une politique fiscale et sociale efficace est simplement une affaire de volonté comme l’avaient cru bien de présidents de la République ces derniers quarante ans, le rapport de la Banque mondiale met l’accent sur l’absence de données statistiques fiables.
«Nous ne savons toujours pas combien d’Haïtiens vivent en Haïti», regrette Mary Barton-Dock, le dernier recensement de la population remontant à l’année 2003.
Entre autres solutions, la Banque mondiale plaide pour une augmentation des investissements privés en Haïti, tout en dénonçant la trop forte concentration des entreprises, qui pénalise l’ouverture des marchés.
Le rapport, sorti ce 22 septembre, date faste pour le régime des Duvalier, indique que «les grandes familles qui dominaient l’économie à l’époque de (Jean-Claude) Duvalier, dans les années 1970 et 1980, conservent toujours aujourd’hui la mainmise sur de vastes pans de l’économie nationale».
La conclusion de la dépêche, qui fait le tour du monde, est des plus cinglantes : Très vulnérable aux catastrophes naturelles qui menacent la région et minée par l’instabilité politique, Haïti attire encore peu d’investisseurs.
Le verdict dressé mardi par Mary-Barton Dock est sévère: Haïti, «c’est l’un des pires climats d’affaires du monde».
Que doit penser Michel Martelly, président d’Haïti depuis 2011, de ce rapport ? Quelles leçons doivent en tirer les candidats qui font des promesses mirobolantes ces derniers jours ?
Allons-nous encore penser que le Blanc, la Banque mondiale et les autres font exprès de noircir le trait ou aurons-nous le courage de nous regarder tel que nous sommes dans le miroir de la réalité, taire nos illusions et nous mettre résolument à remonter la pente de ces 40 ans perdus ?
Frantz Duval – AFP