Le coordonnateur spécial du dossier Haïti au Département d’Etat, Kennett Merten, en visite à Port-au-Prince du 3 au 9 décembre 2015, pour aider les acteurs à trouver une solution à la crise électorale, est reparti bredouille à Washington. Il ne détenait pas les outils nécessaires pour convaincre Jude Célestin d’affronter Jovenel Moïse le 27 décembre prochain, au second tour, sans la vérification des procès-verbaux au Centre de tabulation, il ne pouvait non plus faire valoir à Michel Martelly la nécessité de former la commission indépendante de vérification des procès-verbaux pour faire la lumière sur ce scrutin controversé conformément à l’exigence des partis politiques de l’opposition et des organisations de défense des droits humains.
Avant d’effectuer sa mission à Port-au-Prince, l’ambassadeur Merten était, sans doute, bien imbu de l’évolution de la crise électorale. S’il n’était outillé pour convaincre ni l’un ni l’autre des deux acteurs, Merten n’avait, semble-t-il, aucune mission. Comment pouvait-il prétendre trouver l’adhésion de Jude Célestin pour aller au second tour, alors que ce dernier est membre du groupe des 8 candidats à la présidence qui contestent les résultats des élections du 25 octobre publiés par le Conseil électoral provisoire ? Le dialogue de Merten avec le président de la République aurait dû être plus prometteur, car l’unique revendication de l’opposition, des organisations de défense des droits humains et d’autres secteurs demeure la formation de la commission indépendante de vérification des procès-verbaux, en signe d’éclaircissement de ce scrutin. Cependant, l’ambassadeur Merten était-il la personnalité idéale dans le cadre de cette crise en raison de sa proximité avec Michel Martelly qui l’avait décoré au terme de sa mission à Port-au-Prince ?
Comment le Département d’Etat peut-il commettre cette erreur d’envoyer un diplomate en mission dans un pays en crise, alors que l’émissaire entretient des rapports privilégiés avec l’une des deux parties en crise ? Rien n’indique aussi que la mission de l’ambassadeur Merten n’était pas un show médiatique. A qui profite cette nouvelle crise électorale en Haïti ?
La vérification par le Bureau du contentieux électoral national des 78 procès-verbaux au Centre de tabulation par les représentants des trois partis politiques et les observateurs nationaux et internationaux, sur requête de Maryse Narcisse du parti Fanmi Lavalas, demeure la preuve la plus convaincante qui justifie les accusations de fraudes et d’irrégularités entachant ce processus. 26 procès-verbaux entachés de fraudes et 52 autres frappés d’irrégularités ne constituent pas un fait imaginaire, mais une réalité que Pierre-Louis Opont et Ricardo Augustin du CEP refusent d’accepter en insinuant que le scrutin était correct. Si l’évidence de cette vérification au Centre de tabulation ne signifie rien aux yeux des représentants du monde civilisé, en poste à Port-au-Prince, qui prônent l’organisation d’élections libres et transparentes dans leurs pays, il y a de quoi s’inquiéter.
Sommes-nous en présence d’une crise électorale qui sera transformée en crise politique majeure ?
Lemoine Bonneau Editorial du Nouvelliste