“Porter la réalité d’Haïti au coeur du Vatican”: Chibly Langlois, qui deviendra, cette semaine à Rome, le premier cardinal haïtien de l’histoire, souligne la “lourde responsabilité” qui pèse sur ses épaules, évoquant la situation alarmante de son pays.
“Je porte la réalité de l’Eglise d’Haïti au coeur du collège des cardinaux, ce n’est pas seulement la réalité de l’Eglise d’Haïti, c’est également la réalité d’Haïti que je vais partager avec le pape François”, explique Mgr Langlois dans un entretien à l’AFP à Port-au-Prince.
“Je vais partager avec le pape la réalité d’Haïti, lui parler de nos richesses, de nos faiblesses et nos limites. L’Eglise d’Haïti est une Eglise jeune, dynamique, mais nous avons plein de limites sur le plan financier; nous avons besoin de la solidarité d’autres Eglises”, ajoute le prélat, président de la Conférence épiscopale d’Haïti.
Diplômé en philosophie et en théologie pastorale, l’évêque de 56 ans, qui a été désigné cardinal le 12 janvier dernier, s’est dit touché par l’annonce du pape le jour de la commémoration du quatrième anniversaire du séisme qui avait frappé Haïti le 12 janvier 2010.
“Nous comprenons par cette nomination que le pape veut nous inviter à cultiver la joie au coeur même de la tristesse”, explique-t-il. “Les joies, les souffrances, les peines du peuple haïtien sont également celles de l’Eglise d’Haïti”.
Mgr Langlois sera intronisé samedi lors d’un consistoire public ordinaire dans la basilique Saint-Pierre de Rome. Le président haïtien, Michel Martelly, assistera à la cérémonie avec un groupe d’une cinquantaine de personnes venues de différentes régions du pays.
Le pape François a annoncé mi-janvier la création de seize cardinaux électeurs (de moins de 80 ans), dont neuf viennent des pays du Sud et cinq de sa région, l’Amérique latine. Au total 19 cardinaux sont créés si l’on tient compte de trois cardinaux de plus de 80 ans, qui ne sont donc pas électeurs.
– Crise économique et politique –
Évoquant la situation économique d’Haïti, pays le plus pauvre du continent américain, Mgr Langlois parle d’une situation “alarmante”.
“Nous sommes dans une société où il y a plein de difficultés sur le plan financier et économique. Et l’Eglise n’est pas extraterrestre, elle est incarnée dans la réalité. Ce que connaît le peuple en général, l’Eglise le connaît aussi”, souligne-t-il.
“Il y a beaucoup de problèmes dans les familles. Les gens n’ont pas les moyens de répondre à leurs besoins, de faire face à leurs responsabilités. Il y a une grande crise économique. La crise politique et institutionnelle que le pays vit actuellement reflète quelque chose de plus cuisant. C’est une question de gestion des biens et des ressources”, poursuit-il.
Engagé dans une médiation auprès des acteurs politiques haïtiens afin de trouver une issue à la crise politique actuelle, le prélat reconnaît que l’”aventure” est “périlleuse”, mais souligne à quel point les discussions en cours sont cruciales pour l’avenir du pays.
Le dialogue interhaïtien doit déboucher sur un accord permettant notamment d’organiser des élections législatives et locales, des scrutins qui auraient dû être organisés il y a au moins deux ans.
“Nous ne voulons pas avoir une crise qui nous porte à nouveau à pleurer des morts dans le pays”, explique-t-il.
En dépit de la difficulté à faire signer un accord entre les protagonistes de la crise, le cardinal haïtien reste optimiste.
“Je crois que nous sommes sur la bonne voie, nous sommes confiants parce que toutes les conditions sont remplies pour que l’on signe cet accord”, explique-t-il. “Ce que nous souhaitons, c’est que l’accord trouvé soit respecté et, ce, pour le bien de tous les acteurs, pour le bien du pays en général”.
Le premier cardinal haïtien de l’histoire souligne aussi qu’il a l’intention d’inviter le pape François à effectuer une visite en Haïti.
Le Nouvelliste