Par Frantz Duval
L’artiste de King Posse détenait le record des morts annoncées. Que de fois ne l’a-t-on pas dit décédé : à l’hôpital, dans un accident, de mort brusque ou par balle, le jour où on lui avait volé la fameuse médaille que Wyclef lui avait offerte. De santé fragile, des séjours à l’hôpital, il en avait connu de nombreux ces douze dernières années.
Mais cette fois, c’est pour de vrai. Il ne sortira plus de son lit sur ses deux pieds, prêt à chanter. Black Alex est mort ce vendredi 13 à l’Hôpital de la communauté haïtienne à Frères.
Black Alex n’avait pas vingt ans quand il sortit du lot pour devenir de plein droit une vedette avec la méringue carnavalesque « Cool non » de King Posse. Depuis 20 ans, sa voix, son groove, ses mots, sa démarche, son allure avaient fait de lui un numéro spécial sur la scène artistique haïtienne.
Combien de fois n’a-t-on pas vu le chanteur traîner sa dégaine particulière, caché derrière ses fameuses lunettes noires, attendre son moment. Il restait dans un coin, avant d’exploser sitôt qu’il avait un micro en main. Et la foule s’enflammait, heureuse de le voir, de le revoir, revenu de toutes les mauvaises nouvelles.
Après les années King Posse, on l’a retrouvé dans de nombreux groupes. Une année, il posa sa voix sur plus de deux méringues carnavalesques. Une performance rare. Que les groupes aient accepté une telle liberté est plus le signe de la valeur de Black Alex que de son infidélité. La saison carnavalesque était sa saison.
Black Alex retournait au bercail de temps à autre, King Posse ne cessant de renaître pour une affiche ou un tour de piste au carnaval. A chaque fois, en personne ou dans le souvenir des fans, le King de King Posse ressuscitait.
Avec les plus grands, Black Alex a chanté, a animé. Wyclef, Sweet Michy, Fabrice Rouzier et Kéké Bélizaire, les frères Martino et tant d’autres, avant qu’il ne trouve une nouvelle jeunesse au sein de Team Lòbey, lui ont offert une composition, une intro ou un couplet. Black Alex a sa voix gravée sur beaucoup de hits.
Devant sa dépouille encore chaude, des voix ont tenté de faire ce vendredi sur les réseaux sociaux le procès de ceux qui ne lui seraient pas venu en aide. Ceux qui ne savent pas ce dont ils parlent ont fait des reproches que Black Alex n’a jamais formulés. Le King de King Posse reste l’artiste qui a retenu le plus l’attention de ses pairs et de la société haïtienne. Il était aimé, célébré, aidé. Jusqu’à la fin.
Comme pour tout grand artiste, il n’a pas eu la vie facile. Il n’avait pas tous les jours la belle vie. C’était sa vie. Le débat sur le statut des artistes dans un petit pays comme Haïti reste ouvert. Dommage que la mort de Black Alex ne va le raviver que pour quelques heures.
« Lavi a long, li long, li long.
Pa gen tankou l
Ou prale w ap kite l la.
Sa fè m mal…. », chantait Black Alex.
Si vous en avez l’occasion, revisitez ses meilleurs hits et les chansons de ses belles années avec King Posse. Vous ne le regretterez pas.
Le roi est mort, vive le roi Black Alex!